4b). La signification lexicale comme structure. De cette façon, lastructure de la signification lexicale est un phénomène linguistique complexe qui dépend de facteurs extralinguistiques et intralinguistiques. Le rôle central dans cette structure appartient à la notion : elle en constitue l'élément obligatoire pour la presque totalité des vocables, alors que la présence des autres indices sémantiques (nuances émotionnelles, caractéristiques stylistiques, particularités d'emploi) est facultative. On distingue dans la structure de la signification lexicale du mot les trois aspects dont nous venons de parler:
le significatif (lié au signifié, il reflète la notion); le dénotatif représentant l'objet nommé. On voit la différence entre ces deux aspects dans l'exemple ci-dessous: Hugo et l'auteur des «Misérables»; le référant y est le même, mais il est présenté de façons différentes, les signifiés sont différents; le connotatif dont les valeurs, bien que logiquement secondes ne sont pas pour autant secondaires par rapport aux valeurs significatives et dénotatives. Les connotations peuvent être émotionnelles (chien), appréciatives (taudis), stylistiques (bagnole qui, dans le français familier, signifie automobile). Le plus souvent les connotations se rapportent au signifié faisant partie de la signification lexicale du mot auquel elles ajoutent des valeurs supplémentaires; comparez: chauffeur et chauffard, écrire et écrivailler. Le mot bagnole a la même signification lexicale que automobile, donc le signifié n'y est pas touché; la connotation de bagnole se rapporte au signifiant. Dans baraque les connotations se rattachent à la fois au signifié et au signifiant: baraque est une «maison mal bâtie, mal agencée ou mal tenue» (connotation appréciative) et en même temps c'est un mot familier (connotation stylistique).
L'étude de la structure de la signification lexicale peut être poussée encore plus avant jusqu'au niveau des composants sémantiques minimums appelés « sèmes ». Chaque signification peut être représentée comme une combinaison de sèmes formant un « sémantème » (ou « sémème »). Par exemple, le sémantème de chaise comprend les sèmes « siège (pour s'asseoir) » (S1 ), « avec dossier » (S2,), « sur pieds » (S3), « pour une seule personne » (S4) ; le sémantème de fauteuil en plus des sèmes de chaise possède le sème « avec bras » (S5).
À l'intérieur d'un même sémantème on dégage selon le degré d'abstraction les sèmes génériques et les sèmes spécifiques. Les sèmes génériques sont communs à plusieurs vocables sémantiquement apparentés, ils sont intégrants. Les sèmes spécifiques distinguent sémantiquement ces vocables les uns des autres, ils sont différentiels. Pour chaise et fauteuil le sème générique est « siège » (S,), les autres sèmes sont spécifiques (S.,. S3- S4 pour chaise. S,. S3, S4, S5 pour fauteuil). Le sème différentiel qui distingue fauteuil de chaise est « avec bras ». Ainsi les sèmes différentiels créent les oppositions sémantiques entre les vocables.
On distingue encore les sèmes occasionnels ou potentiels qui peuvent se manifester sporadiquement dans le discours. Pour fauteuil on pourrait occasionnellement déceler le sème potentiel de « confort ». Il apparaît nettement dans la locution familière arriver dans un fauteuil - « arriver premier sans peine dans une compétition ». Dans le sémantème de carrosse on perçoit facilement le sème potentiel « richesse » qui devient un sème spécifique dans la locution rouler carrosse. Également dans la locution dans l'huile le sème potentiel « aisance, facilité » se hausse au niveau d'un sème spécifique. Il s'ensuit que les sèmes potentiels sont d'importance pour l'évolution sémantique des vocables. Ainsi l'analyse sémique permet de pénétrer la structure profonde de la signification des vocables et de mettre en évidence leurs traits sémantiques différentiels. 5. Le sens étymologique des vocables. Les vocables motivés et immotivés. Il est évident qu'il n'y a pas de lien organique entre le mot, son enveloppe sonore, sa structure phonique et l'objet qu'il désigne. Pourtant le mot, son enveloppe sonore, est historiquement déterminé dans chaque cas concret. Au moment de son apparition le mot ou son équivalent tend à être une caractéristique de la chose qu'il désigne. On a appelé vinaigre l'acide fait avec du vin. tire-bouchon - une espèce de vis pour tirer le bouchon d'une bouteille. Un sous-marin est une sorte de navire qui navigue sous l'eau et serre-tête - une coiffe ou un ruban qui retient les cheveux.
L'enveloppe sonore d'un mot n'est pas due au hasard, même dans les cas où elle paraît l'être. La table fut dénommée en latin tabula - « planche » parce qu'autrefois une planche tenait lieu de table. Le mot latin calculus - « caillou » servait à désigner le calcul car, anciennement, on comptait à l'aide de petits cailloux.
La dénomination d'un objet est basée sur la mise en évidence d'une particularité quelconque d'un signe distinctif de cet objet.
Le sens premier, ou originaire, du mot est appelé sens étymologique. Ainsi, le sens étymologique du mot table est « planche » ; du mot linge lat. lineus, adj. «de lin» ; du mot candeur lat. candor «blancheur éclatante» ; du mot rue lat. ruga « ride ». Le sens primitif de travail lat. pop. tripalium est « instrument de torture» ; de penser lat. pensare «peser»; de traire lat. trahere «tirer ».
Il est aisé de s'apercevoir d'après ces exemples que le sens étymologique des mots peut ne plus être senti à l'époque actuelle.
En liaison avec le sens étymologique des mots se trouve la question des mots motivés et immotivés sans qu'il y ait de parallélisme absolu entre ces deux phénomènes.
Nous assistons souvent à la confusion du sens étymologique d'un mot et de sa motivation. Toutefois le sens étymologique appartient à l'histoire du mot, alors que la motivation en reflète l'aspect à une époque donnée.
Tous les mots d'une langue ont forcément un sens étymologique, explicite ou implicite, alors que beaucoup d'entre eux ne sont point motivés. Tels sont chaise, table, sieste, fortune, manger, etc. Par contre nous aurons des mots motivés dans journaliste, couturière, alunir, porte-clé, laissez-passer dont le sens réel émane du sens des éléments composants combinés d'après un modèle déterminé. La motivation de ces mots découle de leur structure formelle et elle est conforme à leur sens étymologique. Il en est autrement pour vilenie dont la motivation actuelle est en contradiction avec le sens étymologique puisque ce mot s'associe non plus à vilain, comme à l'origine, mais à vil et veut dire « action basse ». On dit d'un mot motivé qu'il possède « une forme interne ». Pour les mots à structure morphologique (formative) complexe on distingué la motivation directe et indirecte. On assiste à la motivation directe lorsque l'élément (ou les éléments) de base du mot motivé possède une existence indépendante. Dans le cas contraire il y aura motivation indirecte. Ainsi journaliste formé à partir de journal ou lèche-vitrine tiré de lécher et vitrine seront motivés directement. Par contre, oculiste et aquatique le seront indirectement du fait que ocul- et aqua- n'existent pas sous forme de mots indépendants.
Un mot peut donc être motivé non seulement par le lien sémantique existant entre ses parties constituantes, mais aussi par l'association qui s'établit entre ses diverses acceptions. Le mot chenille pris au sens dérivé dans chenille d'un tout-terrain est motivé grâce au lien métaphorique qui l'unit à son sens propre. Nous dirons que ce mot sera sémantiquement motivé dans son sens dérivé. Nous sommes alors en présence d'une motivation sémantique.
Donc, la motivation est un phénomène intralinguistique qui repose sur les associations formelles et sémantiques que le mot évoque. Toutefois la motivation phonétique ou naturelle est extralinguistique.
Tout vocable motivé ne le sera que relativement du fait qu'à partir de ses éléments constituants et des liens associatifs entre ses diverses acceptions on ne peut jamais prévoir avec exactitude ses sens réels.
En principe tout mot est motivé à l'origine. Avec le temps la forme interne des vocables peut ne plus se faire sentir, ce qui conduit à leur démotivation. Cet effacement du sens étymologique s'effectue lentement, au cours de longs siècles. C'est pourquoi à chaque étape de son développement la langue possède de ces cas intermédiaires, témoignages du développement graduel de la langue. En effet, les mots sont parfois motivés uniquement par un des éléments de leur structure formelle. C'est ainsi que la signification actuelle des mots malheur et bonheur ne peut être que partiellement expliquée par leur premier élément mal- et bon-, heur lat. pop. augurium «présage, chance » ayant pratiquement disparu de l'usage. On doit considérer ces mots comme étant partiellement motivés. Donc, les vocables peuvent se distinguer par le degré de leur motivation.
Dans chaque langue on trouve des vocables motivés et immotivés.
Des cas assez nombreux se présentent lorsque les vocables exprimant la même notion, mais appartenant à des langues différentes, ont la même forme interne. On dit en français le nez d'un navire, une chaîne de montagnes, la chenille d'un char de même qu'en russe носкорабля, цепьгор, гусеницатанка. En français et en russe on dit pareillement roitelet et королек. Les mots perce-neige et подснежникont une forme interne proche. Cette similitude de la forme interne de certains mots dans les langues différentes tient à des associations constantes qui apparaissent également chez des peuples différents.
Pourtant la forme interne des mots et des locutions revêt le plus souvent un caractère national. Pour désigner la prunelle les Français l’ont comparée à une petite prune, tandis qu'en russe зрачокdérive de l'ancien зреть« voir ». La pommade est ainsi nommée parce que ce cosmétique se préparait autrefois avec de la pulpe de pomme ; le substantif russe correspondant мазьse rattache au verbe мазать - « enduire de qch ». La fleur qui est connue en Risse sous le nom de гвоздикаest appelée en français œillet. On dit en russe ручкасковородкиet en français la queue d'une poêle. Le caractère national de l'image choisie pour dénommer les mêmes objets et phénomènes apparaît nettement dans les locutions phraséologiques. En russe on dira знатьназубокet en français savoir sur le bout du doigt ; l'expression russe бытьтощимкакспичкаcorrespond en français à être maigre comme un clou ; l'expression датьрукунаотсечениеse traduira en français comme mettre sa main au feu.
La forme interne marque de son empreinte le sens actuel du vocable et en détermine en quelque sorte les limites. L'exemple suivant en servira d'illustration. Comparons les mots train et поезд. Le système des significations du mot français est plus compliqué que celui du mot russe correspondant. Signalons les essentielles acceptions de train : allure d'une bête de somme (le train d'un cheval, d'un mulet) ; allure en général (mener grand train) : suite de bêtes que l'on fait voyager ensemble (un train de bœufs) ; suite de wagons traînés par la même locomotion (le train entrait en gare).
Le lien de toutes ces acceptions avec le sens du verbe traîner, dont le substantif train dérive, est évident.
Le substantif russe поездqui se rattache au verbe ездить« aller, voyager » ne traduit que le sens de « train de chemin de fer ».
6a). Caractéristiques phonétiques des mots en français moderne. Nous nous bornerons ici à noter certains traits caractérisant les mots français quant à leur composition phonique et leur accentuation dans la chaîne parlée.
Les mots français sont caractérisés par leur brièveté. Certains se réduisent à un seul phonème. Il s'agit surtout de mots non autonomes (ai, eu, on, est, l',d’ etc.), les mots autonomes à un phonème étant exclusivement rares (an, eau).
Par contre, les monosyllabes sont très nombreux dans ces deux catégories de mots (le, les, des, qui, que, mais, main, nez, bras, monte, parle, etc.). Ces monosyllabes sont parmi les mots les plus fréquents.
L'analyse d'un certain nombre de textes suivis a permis de constater que dans le discours les mots contenant une syllabe forment environ 61% et les mots à deux syllabes forment près de 25% de l'ensemble des mots rencontrés. Cet état de choses est le résultat d'un long développement historique qui remonte à l'époque lointaine de la formation de la langue française du latin populaire (ou vulgaire). Pour la plupart les monosyllabes sont le résultat des nombreuses transformations phonétiques subies par les mots latins correspondants formés de deux ou trois syllabes (cf.: homme < lat. homo, main lat. manus, âme lat. anima).
Le français possède naturellement des mots à plusieurs syllabes : toutefois il y a visiblement tendance à abréger les mots trop longs auxquels la langue semble répugner (métropolitain métro, stylographe stylo, piano-forte piano, automobile auto, météorologie météo ; cf. aussi avion qui s'est substitué à aéroplane, pilote à aviateur).
Comme conséquence de ce phénomène la longueur des mots au niveau de la langue est de 2,5 syllabes, alors que dans la parole - de 1,35 syllabes. Ce décalage s'explique par la fréquence d'emploi des mots-outils lors du processus de communication.
La tendance à raccourcir les mots, qui s'est manifestée à toutes les époques, a pour conséquence un autre phénomène caractéristique du vocabulaire français - l'homonymie. Un grand nombre de mots a coïncidé quant à la prononciation à la suite de modifications phonétiques régulières.
C'est surtout parmi les monosyllabes que l’on compte un grand nombre d'homonymes ; tels sont : ver lat. vermis, vers (subst.) lat. versus « sillon, ligne, vers », vers (prép.) lat. versus de vertere « tourner », vert lat. vendis. De là de nombreuses séries d'homonymes : par, part, pars ; cher, chair, chaire ; air, ère, aire, hère, erre (il), etc.
Quant à la syllabation des mots français elle est reconnue comme étant remarquablement uniforme et simple. Ce sont les syllabes ouvertes qui forment près de 70% dans la chaîne parlée. Surtout fréquentes sont les syllabes ouvertes du type : CV (par exemple : [de-vi-za-ge] - dévisager, [re-pe-te] - répéter), moins nombreuses sont les syllabes des types : CCV: [blé-se] - blesser, [tru-ble] - troubler, C :[e-ku-te] - écouter, [a-ri-ve] - arriver). Parmi les syllabes fermées on rencontre surtout le type : CVC : [jur-nal] -journal, [par-tir] -partir. Les autres types sont rares. Cette particularité de la structure syllabique des mots français contribue à son tour à l'homonymie.
En français les mots phonétiquement se laissent difficilement isoler dans le discours : privés de l'accent tonique propre, ils se rallient les uns aux autres en formant une chaîne ininterrompue grâce aux liaisons et aux enchaînements. On dégage, en revanche, des groupes de mots représentant une unité de sens et qui sont appelés « groupes dynamiques ou rythmiques » avec un accent final sur la dernière voyelle du groupe.
Cette particularité de l'accentuation fait que le mot français perd de son autonomie dans la chaîne parlée. La délimitation phonétique des mots émis dans la parole en est enrayée. Ceci explique les modifications de l'aspect phonétique survenues à certains mots au cours des siècles. Les uns se sont soudés avec les mots qui les précédaient dont l'article défini : c'est ainsi que ierre est devenu lierre, endemain - lendemain, uette - luette, oriot - loriot ; l'aboulique - la boutique, d'autres au contraire, ont subi une amputation : lacunette - « petit canal » s'est transformé en la cunette car on a pensé à l'article précédant un substantif ; de même m'amie a été perçu comme ma mie.
6b). Caractéristiques grammaticales du mot en français moderne. Les unités essentielles de la langue étroitement liées l'une à l'autre sont le mot et la proposition.. C'est en se groupant en propositions d'après les règles grammaticales que les mots manifestent leur faculté d'exprimer non seulement des notions, des concepts, mais des idées, des jugements.
Donc, la faculté de former des propositions afin d'exprimer des jugements constitue une des principales caractéristiques grammaticales des mots.
Une autre particularité du mot consiste dans son appartenance à une des parties du discours. Ainsi on distingue les substantifs, les adjectifs, les verbes, les adverbes, les pronoms, etc. Les parties du discours sont étudiées par la grammaire : elles constituent la base de la morphologie. Il serait pourtant faux de traiter les parties du discours de catégories purement grammaticales. En effet, les parties du discours se distinguent les unes des autres par leur sens lexical : les substantifs désignent avant tout des objets ou des phénomènes, les verbes expriment des processus, des actions ou des états : les adjectifs - des qualités, etc. C'est pourquoi il serait plus juste de qualifier les parties du discours de catégories lexico-grammaticales.
La composition morphémique des mots est aussi étudiée par la grammaire, pourtant elle a un intérêt considérable pour la lexicologie. La faculté du mot de se décomposer en morphèmes présente une des caractéristiques grammaticales du mot qui, en particulier, le distingue du morphème. Ce dernier, étant lui-même la plus petite unité significative de la langue, ne peut être décomposé sans perte de sens. Ce sont principalement les mots autonomes qui se laissent décomposer en morphèmes.
Quant aux mots-outils, dont beaucoup se rapprochent à certains égards des morphèmes, ils constituent généralement un tout indivisible.
Parmi les mots autonomes, il y en a de simples qui sont formés d'une, seule racine. Tels sont homme, monde, terre, ciel, arbre, table, porte, ''chambre, etc. Ces mots pourraient être aussi appelés « mots-racines ». Plus souvent les mots contiennent une ou plusieurs racines auxquelles se joignent des affixes (les préfixes placés avant et les suffixes placés après la racine) et les terminaisons (ou) les désinences qui expriment des significations grammaticales. On distingue encore le thème (ou le radical), c'est-à-dire la partie du mot recelant le sens lexical et précédant la terminaison à valeur grammaticale. Ainsi dans l'exemple : Nous démentons formellement ces accusations, le mot démentons comprend la racine -ment-, le préfixe dé-, le thème dément-, la terminaison -ons. La racine recèle le sens lexical fondamental du mot. Le thème qui comporte tout le sens lexical du mot s'oppose à la désinence qui est porteur d'un sens grammatical.
Les racines, les affixes, les désinences sont des morphèmes. Il s'ensuit des exemples cités que les morphèmes peuvent être porteurs de valeurs de caractère différent : les racines ont une valeur d'ordre lexical : désinences - des valeurs grammaticales ; les affixes – généralement valeurs lexico-grammaticales.
De cette façon afin de définir les limites grammaticales du mot il faut procéder à une confrontation du mot avec les unités voisines : le morphème et groupe de mots.
Nous avons déjà spécifié la différence entre le mot et le morphème le mot possède une autonomie dont le morphème est dépourvu. Toutefois le degré d'indépendance n'est pas le même pour tous les mots. Ainsi l'autonomie des mots-outils est nettement limitée. On peut dire que les mots-outils rappellent en quelque sorte les morphèmes.
Il n'est parfois pas moins difficile d'établir les limites entre un mot et un groupe de mots. Pour la plupart, les mots se laissent aisément distinguer des groupes de mots ; tel est le cas des mots simples ou mots-racines et des mots dérivés formés par l'adjonction d'affixes. La distinction des mots composes, qui par leur structure se rapprochent le plus des groupes de mot présente de sérieuses difficultés. Celles-ci sont surtout grandes dans la langue française où les mots composés sont souvent formés d'anciens groupes de mots.
En appliquant à la langue française le critère avancé par A.I. Smirnitsky, on devra reconnaître que les formations du type fer à repasser, chemin de fer, pomme de terre sont, contrairement à l'opinion de beaucoup de linguistes français, des groupes de mots, alors que bonhomme, basse-cour, gratte-ciel sont des mots.
Donc, il faut faire la distinction entre un mot et un morphème, d'un côté, un mot et un groupe de mots, de l'autre. Néanmoins il reste fort à faire pour fixer les limites du mot ; c'est un problème ardu qui exige un examen spécial pour chaque langue.
6c). Identité du mot. Envisagé sous ses aspects phonétique, grammatical et sémantique le mot présente un phénomène complexe. Pourtant dans l'énoncé, dans chaque cas concret de son emploi, le mot apparaît non pas dans toute la complexité de sa structure, mais dans une de ses multiples formes, autrement dit, dans une de ses variantes.
On distingue les variantes suivantes d'un mot :
les variantes de prononciation : [bu] et [byt] pour but ; les variantes grammaticales à valeur flexionnelle qui peuvent être à support morphologique : dors, dormons, dormez et à support phonétique : sec – sèche, paysan – paysanne ;
les variantes pseudo-formatives (lexico-grammaticales) : - maigrichon et maigriot, les variantes lexico-sémantiques :
à valeur notionnelle palette - « plaque sur laquelle les peintres étalent leurs couleurs » et « coloris d'un peintre » :
b) à valeur notionnelle-affective : massif «épais, pesant», au figuré esprit massif « grossier, lourd »
les variantes stylistico-fonctionnelles :
a) à support phonétique : oui - littéraire et ouais - populaire, apéritif- littéraire et apéro - familier ;
à support notionnel-affectif : marmite - « récipient » - littéraire et « gros obus» - familier ; les variantes orthographiques : gaîment et gaiement.
Il est, en effet, très difficile de tracer les limites du mot et de l'envisager sous tous les aspects : phonétique, grammatical et lexical. Dans la linguistique russe il n'y a guère non plus de définition du mot généralement admise. Parmi les plus réussies on signale celle de R. A. Boudagov, laquelle reflète les plus importantes propriétés du mot : « Le mot représente la plus petite et indépendante unité matérielle (sons et formes ») et idéale (sens) de caractère dialectique et historique»1.
En conclusion les caractéristiques essentielles du mot français peuvent être présentées de la façon suivante :
Plan paradigmatique:
Le mot français a une tendance prononcée à la syllabe ouverte: mot, feu, heureux, vraiment, pénétrer, etc. Parmi les noms simples, non construits il y a beaucoup de monosyllabes: eau, air, terre, croix, etc. Par conséquent parmi ces derniers il y a beaucoup d'homonymes : fois, foi, foie; ver, verre, vers (п.), vers (prép.), vert; mère, mer, maire; saint, sain, sein, seing, etc.
Plan syntagmatique :
La polysémie des mots peut être neutralisée dans le texte; comparez, par exemple, louer une chambre', la Chambre est en vacances, les chambres d'une ruche d'abeilles.
À son tour, l'homonymie aussi est levée dans le texte comme, par exemple,dans ces phrases: On entendrait voler une mouche et Qui vole un œuf, vole un bœuf.
III. EXERCICES ET DEVOIRS PRATIQUES Exercice 1. Dans l’extrait de la chanson dé Léo Ferré entre les deux éléments en italique choisissez le bon:
Avec le temps,
Avec le temps,
Va, tout s’en va...
On oublie le visage,
Et l’on oublie la voie (la voix)...
L’autre qu'on adorait (a doré). Exercice 2. Découpez en mots l’énoncé en italique :
- Et, reprit Julia, quand tu t’es fiancée, et qu’on a fait croire à maman que l’abus du melon t’avait rendue hydropique.
- Polocilacru, ajouta Chantai. [Queneau] Exercice 3. Dites quel est le mot mis en italique :
- Toi,.. .t’auras du mal avec ton zoizo. [Queneau] Exercice 4. Sur quoi est basé le jeu de mots ci-dessous :
• Je vous propose de venir un de ces jours siroter un verre de porto avec moi dans mon petit studio Lévitan tout neuf.
• - C’est en l’évitant qu’on reste honnête femme, répondit madame Butaga distraitement. [Queneau] Exercice 5. Précisez le degré de lexicalisation des syntagmes ci-dessous :
sauve-qui-peut, blanc-bec, bonheur, bonhomme, lieutenant, maintenant, bon enfant, les on dit, les qu’en dira-t-on, eau de source, eau de vie. Exercice 6. Dans les phrases ci-dessous trouvez les mots grammaticalisé:
1) Ce ne sera guère difficile. 2) Ce n’est pas nouveau. 3) L’amour peut être aveugle, l’amitié point. 4) Je n’y entends goutte. 5) J’ai tout fait. 6) Nous sommes arrivés les premiers. 7) N’allez pas croire cela! 8) Il vient de nous téléphoner. Exercice 7. Précisez les caractéristiques grammaticales des verbes en italique. Dites si leurs significations lexicales dépendent de leurs caractéristiques grammaticales.
1) Personne ne sort par ce temps. Pourquoi a-t-il sorti l’auto du garage? 2) Il a descendu sa valise au rez-de-chaussée. Nous sommes descendus par l’escalier. 3) Les enfants sont montés se coucher. La concierge a monté le courrier. 4) Ah! Vous avez rentré le. linge? Tout est rentré dans l’ordre. 5) Jean a beaucoup changé. Jean a changé de lycée. Exercice 8. Dans les mots en italique relevez les connotations et précisez leurs types :
1) C’est rigolo ce qui m’arrive! 2) C’est sale chez lui, un vrai taudis. 3)Cette vieille baraque commence à s’écrouler. 4) J’ai la fringale, une de ces, fringales'. 5) Va te laver la frimousse. Exercice 9. Précisez les aspects dénotatif et connotatif de la signification lexicale des mots suivants:
aigle, ambitieux, bagnole, baraque, blondasse, chauffard, chien, cochon, ««ver, écrivailler, fêtard, historiette, maisonnette, soldatesque, vache, vantard. Exercice 10. Trouvez le sème qui distingue les paires dé mots ci-dessous :
• cheval - jument, chien - chienne, chat - chatte, coq - poule, bélier - brebis, taureau - vache, bouc - chèvre, loup - louve, tigre - tigresse, lion - lionne;
• chat - chaton, chien - chiot, lion - lionceau, loup - louveteau, ours - ourson;
• frère - sœur, père - fils, mère - tante;
• chaise - fauteuil, chaise - banc, moto - auto, rivière - fleuve. Exercice 11. Distinguez la signification lexicale et grammaticale des mots suivants:
à, central, un conflit, la grammaire, préciser, sauvagement, signifier. Exercice 12. Comparez la motivation des noms français à celle des mots russes correspondants:
blanchet - белорыбица; verdier - зеленушка (птица); jaunette - овсянка (птица); grisette - славка; bleuet - василек; clochette - колокольчик (цветок); grisard - 1. серебристый тополь, 2. чайка; griset - 1. серая акула, 2. облёпиха, 3. молодой вьюрок (щегол); violette - фиалка; moineau - воробей; tourne-pierre - камнеломка (птица); perce-neige - подснежник; tournesol - подсолнечник; tue-loup - волкобой; tue-mouches - мухомор; gobe-mouches - мухоловка; tire-bouchon - штопор; gueule de lion - львиный зёв; patte de chat - кошачья лапка; oreille d’ours - медвежье ушко. Exercice 13. Traduisez en français:
• рука, нога, река;
• сутки, кипяток, недорогой;
• аспирант, дирижер, авария, анкета, билет, блокада, декан, декорации, касса, активист, конферансье, официант, лектор, майор, журнал, галета, перрон, ремонт, пальто;
• аудитория, эстрада, чек, паспорт. IV. QUESTIONSD’AUTOCONTRÔLE : 1. a) Quel est l’objet d’étude de la lexicologie ?
b) De quoi découle l’importance des études lexicologiques ?
c) Quelle différence y a-t-il entre la lexicologie historique et
descriptive ?
d) Dans quels rapports se trouvent ces deux types de lexicologie ?
e) Quel est le rôle de l’histoire de la langue dans l’explication deы
phénomènes linguistiques du français moderne, tels que la polysémie,
l’homonymie, la synonymie ?
f) En quoi se manifeste le caractère non arbitraire du vocabulaire d’une
langue ? 2. a) En quoi se manifeste le caractère systémique du vocabulaire d’une
langue ? Citez-en les preuves.
b) Sur quoi s’appuient les oppositions sémantiques des vocables au
niveau de la langue-système?
c) Qu’est-ce que c’est qu’un paradigme ?
d) Comment peut-on expliquer la thèse que « la langue représente un
système de systèmes » ?
e) Comment se manifestent les rapports systémiques au niveau de la
parole ?
En quoi consiste le phénomène de la coordination sémantique ? Quels sont les particularités du système lexical le distinguant des autres systèmes de la langue : phonétique et grammatical ? Comment se manifeste le lien de la lexicologie avec la grammaire (morphologie et syntaxe) ? En quoi consiste le lien de la lexicologie avec la phonétique et stylistique ?
3. a) Par quoi les structuralistes américains ont-ils remplacé la notion du
mot comme unité sémantico-structurale de base de la langue ? Quels
en sont les arguments ?
b) Qu’est-ce que c’est que la sémantème de Ch. Bally ? Quelles en sont
les particularités ?
c) Qu’est-ce qu c’est que la monème de A. Martinet? Quelles en sont
les particularités ?
d) Quels sont les traits caractéristiques du mot qui ne permettent pas de
le rejeter comme unité de base de la langue ?
e) En quoi consiste l’asymétrie du mot en tant qu’unité de la langue ?
f) Comment se manifeste un lien indissoluble de la pensée de l’homme et
de la langue ?
En quoi consistent les rapports dialectiques entre le mot et la notion ? Quelles sont les particularités du premier degré de la connaissance ? En quoi consiste le deuxième degré de la connaissance ? Quelle différence y a-t-il entre la perception, la représentation et la notion (ou concept) ? Dans quels rapports se trouvent les deux degrés de la connaissance ?
4. a) Quelle est la fonction capitale de la langue ?
b) Le mot quelles fonctions possède-t-il en tant qu’élément de la
communication ?
c) En quoi consiste la fonction cognitive (ou dénotative) du mot ?
d) Quelles sont les particularités de la fonction référentielle (ou
désignative) du mot ?
Laquelle des ces trois fonctions caractérise le mot par excellence ? Quelles fonctions sont propres à la plupart des mots autonomes ? A quelles classes de mots n’est propre qu’une seule de ces trois
fonctions ?
A quoi appartient le rôle central dans la structure de la signification
lexicale ?
i) Quels en sont les éléments facultatifs, complémentaires ?
j) Quels sont les composants sémantiques minimums de la structure de la
signification lexicale. Citez-en les exemples. 5.a) Qu’est-ce qui prouve qu’il n y a pas de lien organique entre le mot, son
enveloppe sonore et l’objet qu’il désigne ?
b) En quoi consiste la détermination historique du mot, de son enveloppe
sonore dans chaque cas concret ?
c) Qu’est-ce que c’est que le sens étymologique du mot ? Citez-en les
exemples.
d) Dans quels rapports se trouvent les notions du sens étymologique et de
la motivation du mot ?
e) De quoi découle la motivation des mots dérivés ?
f) Quelle différence y a-t-il entre la motivation directe et indirecte du
mot ? Citez-en les exemples ?
Par quoi peut être déterminée la motivation d’un mot ? Qu’est-ce que c’est que la motivation partielle ? Citez-en les exemples. Qu’est-ce que c’est que la forme interne du mot ? Quel caractère (national ou « international») de la forme interne du
mot prédomine dans une langue concrète ? Citez-en les exemples.
6.a) En quoi se manifeste la brièveté du mot français ? Quelles en sont les
conséquences ?
b) Quelles sont les particularités de la syllabation des mots français ?
c) Quel type de syllabe prédomine dans la structure du mot français et
quelles en sont les causes ?
d) En quoi consiste le rôle exclusif de la consonne initiale dans la
différenciation des mots ?
e) Quelles sont les particularités de l’accentuation française et quelles en
sont les causes et conséquences ?
f) En quoi consiste le lien étroit du mot et de la proposition comme
unité de la langue ? Quelle en est la conséquence ?
g) Comment sont liés l’appartenance du mot à une des parties du
discours et son sens lexical ?
h) Comment la composition morphémique du mot intéresse-t-elle la
lexicologie ?
Quels types de morphèmes composant un mot distingue-t-on et quelles
sont les particularités de chacun d’eux ?
j) Quels variantes de mot distingue-t-on et quelles en sont les
particularités ? V. OUVRAGES A CONSULTER :
1. Лопатникова Н.Н., Лексикология современного французского
языка (на франц. языке). – 5-е изд., испр. и доп. – М.: Высшая
школа, 2006. – С. 7-52.
2. Цыбова И.А. Французская лексикология (на франц. яз.). Изд. 2-е,
испр. и доп. – М.: Книжный дом «ЛИБРОКОМ», 2011. С. 10-38; 169- 171.
VI. Промежуточный контрольно-проверочный тест к модулю № 1.
Unissez les lettres aux chiffres correspondants
№
| Terme
| Définition /auteur/exemple
|
I.
| A. La lexicologie diachronique (ou historique):
B. La lexicologie synchronique (ou descriptive):
| 1. a pour tâche d'étudier le vocabulaire dans une période déterminée de la langue.
2. envisage le développement du vocabulaire d'une langue dès origines jusqu'à nos jours.
|
II.
| C. Les rapports paradig-matiques sont
D. Les rapports synta-gmatiques sont
| 3. divers rapports associatifs avec les autres unités au niveau de la langue-système.
4. les rapports linéaires qui existent entre deux ou plusieurs unités au niveau de la parole.
| III.
| E. Le vocabulaire est un système
F. La grammaire est un système
| 5. fermé et rigide.
6. ouvert et irrégulier.
| IV.
| G. sémantème
H. monème
I. morphème
| 7. structuralistes américains
8. Ch. Bally
9. A. Martinet
|
V.
| J. La fonction cognitive (rationnelle) est propre par excellence
K. La fonction référentielle (nomi-native)est propre par excellence
L. La fonction émotive (affective) est
propre par excellence
| 10. aux interjections 11. aux noms propres 12. à la terminologie spéciale
|
VI.
| M. Le sens étymologique d'un mot
N. La motivation d'un mot
| 13. reflète son aspect sémantique à une époque donnée.
14. appartient à l'histoire du mot.
|
VIII
| O. Les mots mono- et bi syllabiques forment environ ____ de l'ensemble des mots rencontrés.
| 15. 35 %
16. 53%
17. 85%
|
IX.
| P. les syllabes ouvertes forment près de ___ dans la chaîne parlée.
| 18. 70%
19. 38%
20. 56%
| X.
| Q. variantes grammaticales du mot :
R. variantes lexico-grammaticales :
S. variantes lexico-sémantiques :
T. variantes stylistico-fonctionnelles:
U. variantes orthographiques :
| 21. gaîment - gaiement
22. maigrichon - maigriot
23. franc – franche
24. oui- ouais,apéritif - apéro
25.main« 1. partie du corps
humain et 2. écriture ». 26. donne, donnons, donnez
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A
| B
| C
| D
| E
| F
| G
| H
| I
| J
| K
| L
| M
| N
| O
| P
| Q
| R
| S
| T
| U
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| UNITÉ II. SUJET : SOURCES D’ENRICHISSEMENT DU VOCABULAIRE FRANÇAIS. ÉVOLUTION SÉMANTIQUE DES UNITÉS LEXICALES I . MATIÈRE DE PROGRAMME :
Moyens d’enrichissement du vocabulaire français :
a) sources d’enrichissement du vocabulaire ;
b) rôle de l’évolution sémantique dans l’enrichissement du vocabulaire
d’une langue.
Polysémie et monosémie des mots. Types de sens du mot. Mécanismes de l’évolution sémantique des vocables (procès sémantiques fondamentaux) :
restriction et extension du sens ; métonymie ; métaphore .
Mécanismes de l’évolution sémantique des vocables (accompagnés de
modifications affectives) :
amélioration et péjoration du sens ; affaiblissement et intensification du sens des mots.
6. Causes de l'évolution sémantique des vocables.
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